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Véronique Pastor

 

De la nécessité des liens pour se nouer à l’entier du  monde

 

Les morts ne meurent vraiment que lorsque les vivants les arrachent de leurs pensées et les oublient. Alors, délaissés, ils se détachent, quittent réellement ce monde pour aller flotter vers l’autre rive, où ils se laissent porter, cette partie du monde que les vivants occultent par crainte, là où se réfugient les ombres. Mais si les morts n’avaient pas ce lien si fort avec les vivants, qu’adviendrait-il alors de nous ? Est-il bon de les laisser partir ? S’amputer d’une part de notre mémoire ? Et de quel côté est vraiment la vie ? Quoique ténu, il est de notre responsabilité de ménager aussi ce lien, pour le bon équilibre des choses.

 

Si ces ombres regagnent la lumière des vivants de temps à autre, c’est grâce à la médiation de quelques artistes dont la vision transcende le fragile éphémère des jours, oubliant la dichotomie présupposée des deux « réalités Â». Ce sont des artistes bâtisseurs de ponts.

 

Véronique Pastor dessine, peint et sculpte. Elle sait le lien sensible qui relie les deux mondes. Sa série Memento Mori met au jour la nécessité de ce lien. Rend visible son effectivité.

 

Certains artistes qui jalonnent l’Histoire de l’art ont eu cette acuité hors du commun. Ils témoignent de leur intuition sensible du monde spirituel (William Blake) ; ils attestent de la survivance de l’esprit et de sa force dans l’épreuve, ayant vécu la mort dans leur chair, traversant par exemple l’enfer concentrationnaire ou le garrot des dictatures (Zoran Music et tant d’autres).  

 

J’ai le sentiment que Véronique Pastor sait voir au-delà. Bien sûr, au fond, cela revient à cette nécessité : accepter notre part d’ombre, pour vivre en pleine lumière. Mais son approche est probablement à la fois poétique, ressort artistique et conviction spirituelle, ce qui donne à son travail une force évidente, une puissance d’affirmation qui nous met face à nos propres questionnements. L’œuvre naît dans une expérience métaphysique.

 

Ses personnages, caractéristiques, modelés dans un moule mi brut mi néo-expressionniste, masques de craie aux sourires sereins, ou faces de glaise aux orbites creuses, imposent une image souvent poignante de ce qui nous travaille tous : celle de notre devenir, après nous être affranchis de notre trop chère enveloppe de chair.

 

Silhouettes inquiètes et solitaires, recroquevillées dans leur désespoir, foules aux yeux vides d’où émerge un bras démesuré, inspiré et salvateur, tendu avidement vers un au-delà souriant ; parfois ce sont de grands êtres qui semblent soutenir, tirer ou guider un personnage… Dans sa terrible Vanité au médecin, le sujet se fond au décor, par le jeu de la peinture, en s’effritant, il ne regarde déjà plus le crâne qui trône sur le fauteuil. Ses attributs d’homme puissant, son chapeau au rouge vif, son col d’hermine, ces apparats stupidement vains sont voués à disparaître.

 

Le travail de V.Pastor joue avec les opposés, réconforte les ombres avec des couleurs bienveillantes et subtilement contrastées ; et si, dans une peinture ou une sculpture, certains sujets peuvent sembler souffrir, quelque chose vient apporter une touche de sérénité dans l’œuvre d’une manière ou d’une autre : matière, douceur, attitude, couleur, forme…

 

Véronique Pastor, habitée par l’art depuis son plus jeune âge, expose régulièrement depuis 2008, à Paris et en province. Son parcours, mouvementé, est traversé de rencontres artistiques qui l’ont nourrie et ont permis ce lien durable avec la création. Elle vit et travaille actuellement dans la Creuse.         

 

JHM

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