YOANN PENARD Depuis 2005, cet artiste installé à Léognan expose régulièrement dans les plus grands lieux ouverts à l’expressionnisme. Il modèle, sculpte, donne forme à des personnages écrasés par des fardeaux improbables. Et nous interroge brutalement. Voyez ces Atlas modernes dont l’équilibre semble défier toute logique : ne nous confrontent ­ils pas à nos harassants combats quotidiens, pauvres mortels insignifiants luttant contre la trop lourde pesanteur de notre condition, en nous rappelant comme une accusation tout l’héritage que les millénaires ont accumulé sur nos échines malingres ? L’artiste agit en « synthétiseur » du drame humain, traîné comme une charge antédiluvienne. Le travail de Yoann Pénard, inscrit dans une intemporalité surprenante (et qui résonne par là d’une surprenante actualité), évoque tout à la fois des fétiches tribaux et antiques que des accessoires de sorcellerie moderne (d’aucuns les qualifieraient peut­être de gothiques). Ses « Totems » peuvent inquiéter, certes, mais ne sont pas dénués d’humour et ne cèdent jamais aux facilités morbides fréquentes dans la veine expressionniste contemporaine. L’artiste est ici celui qui a accès aux savoirs ésotériques dans la magie alchimique de la création.Dans son rituel de création, Y.Pénard a recours aux mortiers polymères, acryliques, mais aussi au bois, au tissu, au métal ; ces matériaux et le traitement qu’il leur inflige donnent à ses personnages des allures de figures momifiées, putrescentes et pétrifiées, rongées par le temps. Et pourtant, c’est souvent notre époque qu’ils rongent, ces travaux : voir le message clair de cet impressionnant« boat people », ou l’installation en hommage à Toussaint­ Louverture, réalisée en « contre ­inauguration » du pont Chaban ­Delmas à Bordeaux.

 

L’artiste est ici l’homme à conscience politique, qui s’inscrit dans son temps. Le travail de Yoann Pénard est d’ores et déjà un futur classique, si fortement habité par l’éternel et ancré dans le flux de l’intemporel, qu’il restera un mystère pour les archéologues ou les historiens du millénaire prochain : on les devine perplexes face à la redécouverte de ses œuvres impérissables.

 

texte Jean­Henri Maisonneuve