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Rémi Trotereau

Remi Trotereau : l’éloge de l’anti­facilité

La mythologie grecque évoque le sort d’Héphaïstos, jeté du mont Olympe, et tombé sur terre, qui trouva refuge en son sein, au cœur des volcans, où il installa ses forges.

Trotereau est un Vulcain contemporain ; en lui coule cette lave mythique, bouillonne cette puissance volcanique, lui dont l’art d’emblée le met à l’écart de l’officiel, du beau présentable et convenu. C’est un choix. Plutôt, il n’y peut rien, quelque chose tire les ficelles et il ne peut en être autrement.

 

Son antre souterrain, ses forges, c’est son atelier, actuellement à Marciac. De là, sortent des œuvres à l’esthétique très personnelle. Il note les réactions des spectateurs, révulsés par ses pièces la plupart du temps d’imposante dimension. A cet égard, il relate volontiers le malaise d’une femme saisie d’effroi face à son travail, au point de s’évanouir. Ca le touche, il prévient les visiteurs. On peut comprendre. Ses reliefs, ses sculptures, ses peintures (dans une moindre mesure toutefois) ressuscitent des rites funéraires primitifs. On dirait des morceaux de parois arrachés aux catacombes les plus macabres, résidus d’ossements, de bandelettes ou de momification d’on ne saurait quelle tradition : sauvage, tribale, préhistorique... Dents, cordes, sutures, peau pétrifiée... Tout est agencé de manière à engendrer le malaise.

Pas besoin de titres : l’imagination du spectateur est immédiatement invitée à reconstruire une civilisation perdue et par l’artiste retrouvée, aux mœurs ancestrales inquiétantes, dans une archéologie du flou, du sacré incertain, mêlant animalité et humanité.
Un monde difficile à appréhender, voire à supporter. Et Trotereau ne fait pas de concession. Ni aux visiteurs, ni aux galeristes. Son travail, on l’accepte tel qu’il est ou on ne le prend pas. C’est le seul contrat qu’il consent à valider.

 

Son esthétique du monstrueux, il la doit aussi à son utilisation de matériaux loin de l’académisme : bois brut, terre, sable, résines et métal. En être volcanique, il sent les potentiels offerts par la terre­mère, le sol nourricier, fécond. Nuances d’ocres, d’anthracites, de rouges, c’est la patine du temps sur des reliques qui furent peut­-être – des morceaux humains. Trotereau torture la terre et le bois, les brûle, les fait saigner, transpirer, les suture, comme de la chair. Tout paraît si organique...

 

Difficile de rester insensible à cet univers, intemporel mais si ancré dans notre temps, pont incroyable entre Lascaux et Velickovic, Prométhée et un moyen­âge réinventé à l’ère post­apocalyptique.

Jean­Henri Maisonneuve, le 17 août 2014

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