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Yvana Duchêne

YVANA ET CAMILLE

Il y a des rencontres dont on ne se remet pas.

Des chocs esthétiques qui sont des expériences de pure humanité.

C’est en vain que vous tenterez d’oublier les grands portraits de Camille Claudel brossés par Yvana Duchêne.

 

L’hommage d’une artiste d’origine tchèque, imprégnée de culture expressionniste « classique », à une autre artiste, historique, martyre. Comment se remettre d’un face à face avec ces œuvres ? Cette détresse qui coule littéralement de ces tableaux si vivants ? Et ces yeux… ! Camille ici a de ces regards qui crient, on y entend le cliquetis des clés dans les verrous, le désespoir des fous qui percent le jour jusqu’à la nuit.

Yvana, avec toute sa sensibilité, donne vie à des regards qui implorent ; des yeux qui tendent la main à ces humains si inhumains, qui l’encerclent, l’étouffent. Camille, et Yvana à travers elle, interroge. Et ses questions crèvent le cœur. Elle se rappelle sa joie folle à animer la glaise, lorsqu’elle était encore insouciante du glas de l’horloge.

Camille nous parle, on lui répond, révoltés avec elle, et consolateurs mais résignés avec elle, par commisération : « Tu sens, tu vois, tu te demandes pourquoi ces murs, ces portes, ces liens.

Tu devines tout, en artiste authentique, aux visions merveilleuses et tragiques. Tu es maudite et tu ne l’acceptes pas. Et nous, face à tes images de détresse insondable, nous sommes impuissants, terrassés par tes tourments de marbre. » Camille, Yvana.

Etude en profondeur de l’internement, de l’enfer de soi, que la société impose aux artistes, dont le propre élan créateur pousse parfois jusqu’à la folie, elle seule espoir de liberté vraie. S’y enfermer pour être libre. Cette incroyable évocation des affres de l’inspiration, de la création, assomme de vérité : l’artiste marche en souffrant sur le fil ténu d’une fragile frontière entre raison et folie, entre résignation et abandon total.

 

Yvana Duchêne a produit une centaine de « Camille » tous aussi fascinants les uns que les autres, à leur façon. Chacun de ses portraits est un miroir de notre propre enfermement, subi ou souhaité, et c’est en cela qu’il s’inscrit fortement, qu’il nous dérange, qu’il nous sauve.

 

Jean-Henri Maisonneuve

 

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