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JEAN-MARIE SALANIE     

 

Ressusciter la chair

 

Un fond gris, neutre, figurant comme le brouillard épais dissimulant les souvenirs les plus enfouis. Au devant, un sujet, une forme, abstraite, surréaliste, expressionniste ? En tout cas un amas d’abord informe au premier regard, aux touches plus ou moins colorées, disposé de manière inextricable sur un support identifiable. C’est un lit d’hôpital psychiatrique, aux barreaux révélateurs, un fauteuil, un prie-Dieu, ou encore un boudoir de facture classique… Ce siège est aussi un moyen de situer le corps dans l’espace de la toile.

Surgit de ce meuble une masse d’organes pâles, des viscères, des nerfs, des chairs à vif aux nuances de sang coulant ou séché. Même si les références anatomiques ne sont pas toujours si évidentes. Toute cette matière semble émerger de ce qui devient siège de traumatismes, de souffrances. Tout porte à croire que J.M. Salanié devine et donne à voir les scènes terribles qui ont chargé d’énergies sombres ce lit, ce fauteuil…  La chair et la douleur de l’être sont désormais intimement liées à l’objet : l’organique est donc en toute logique fondu au mécanique.

La résurrection de la Chair, remise en scène, remise en chaire, pour une invitation destinée à re-sacraliser le corps.

Le souvenir se manifeste brutalement et prend vie dans les gestes frénétiques de l’artiste. Ca gicle, ça coule ; les coups de brosse nerveux traduisent l’urgence et la nécessité de faire jaillir un tel passé. La maîtrise technique du peintre est stupéfiante et participe au sentiment de malaise fasciné qui nous prend.

« Depuis 1988 je peins. L’humain, le corps et ce qui en découle, ses transformations, ses mutations. De la naissance à la mort, des changements sont possibles. Et dans tous ces possibles, j’évolue comme ces corps. Â»

Salanié peint des images éprouvantes avec tous les fluides, toutes les humeurs du corps humain. Il redonne vie à ce qui a disparu. La vie du corps et ses transformations, anciennes ou à venir. Ce qui est là, mais que l’on ne sait (veut ?) pas voir. Des visions hallucinées, mais lucides, sur nous-mêmes finalement, êtres de chair appelés à disparaître, désireux de subsister, peut-être, sous la forme de vagues ectoplasmes fantasmés qui auraient impressionné notre environnement quotidien…

 

JH Maisonneuve, le 19 juillet 2014

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