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Hazel Thais, habitée par des images de la Renaissance et période baroque italienne comme par celles de l'iconographie orthodoxe, elle déclare : « Je ne peins pas un geste ou une action, mais le moment d'après, "la faille"; celui qui nous a échappé et quand les mots achoppent. Le dépouillement, c'est la présence silencieuse de l'instant dans lequel les personnages ou masques sont suspendus. J'abîme et je patine le bois pour accentuer l'usure du temps. »

 

 Toucher à l’éternité


Hazel Thaïs est une originale. Vraiment. Qui, aujourd’hui, oserait se frotter au sacré, aux images sereines d’une iconographie religieuse, à l’intouchable des fresques antiques et médiévales ? En toute simplicité, avec humour aussi, cette ancienne étudiante aux Beaux Arts de Rennes, puis du Mans, relève le défi. Une artiste au travail hors norme, et hors du temps.

Hazel est habitée par des images de la Renaissance et de la période baroque italienne comme par celles de l'iconographie orthodoxe. Quand on contemple sa peinture, qui installe une forme de silence pur, peu à peu ce sont des chants byzantins, grégoriens, les voix  mystiques de Hildegarde de Bingen qui nous parviennent ; même si elle a décidé de son nom d’artiste (Thaïs) suite à un titre de This Mortal Coil (collectif musical des 80’s dirigé par le fondateur du mythique label 4AD ; mais on demeure dans les voix célestes).

 Ses sujets, le traitement et le vernis qu’elle applique à ses peintures (sur bois souvent creusé, façonné) qui craquèlent l’image comme les siècles, ses couleurs, tout nous transporte loin d’ici bas. Les expressions des visages, souvent comme endormis, les gestes qui traduisent une grâce sainte, les drapés des vêtements, nous sommes conviés à un voyage dans une antiquité relue et corrigée, un art sacré réinterprété.

Elle déclare : « Je ne peins pas un geste ou une action, mais le moment d'après, "la faille"; celui qui nous a échappé et quand les mots achoppent. Le dépouillement, c'est la présence silencieuse de l'instant dans lequel les personnages ou masques sont suspendus. J'abîme et je patine le bois pour accentuer l'usure du temps. »

Ses couleurs ont souvent les reflets de l’éternité, entre des blancs marmoréens, chryséléphantins, des vermeilles, des bronzes ou des ors jaillissant d’un fond sombre ; c’est parfois l’obscur du vide, où elle fait flotter ses personnages… dont le corps n’est pas toujours entier, ou « normal ». Qu’importe, c’est le monde d’Hazel Thaïs !

En effet, là où l’artiste surprend encore, c’est dans son humour si particulier, cette fantaisie subtile et inattendue qui se manifeste quelquefois dans ses œuvres. Une observation minutieuse permettra de repérer des bizarreries anatomiques parfois. Une forme de naïveté dans l’approche du corps, l’académisme revu par une iconoclaste. Loin d’être gênantes, elles sont le garant de cette humanité authentique dont Hazel Thaïs fait preuve, bien plus soucieuse d’évoquer une émotion, que de coller à un réalisme stérile et sans fantaisie. Après tout, « baroque » tient son étymologie de « barroco », soit en portugais « perle irrégulière »…

Une certitude : de ses œuvres affranchies des règles et des emprises du temps émane une sérénité qui fait beaucoup de bien par ce sacré réinventé. Alors, prière d’accepter la rupture et de contempler !


Jean-Henri Maisonneuve, le 20 septembre 2014

 

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